Dans un pays où le V8 et les ailerons ont valeur d’évangile, la Chevrolet Corvair roule à contresens. Avec sa silhouette digne d’une voiture italienne et son 6-cylindres à plat à l’arrière, elle a tout d’une européenne !

Quelques éléments chromés rappellent les origines de la voiture.
Du tableau de bord à la moquette en passant par le volant et les sièges en vinyle métallisé, tout est nappé d’azur à bord de ce cabriolet Corvair. La voiture est basse et la position de conduite est allongée. Un simple coup de clé et le 6-cylindres lâche ses notes aigrelettes. Je m’attendais à un feulement genre Porsche 911 ; le son du moteur Corvair est plus rauque tout en restant discret.
Je cherche en vain le levier de vitesses : rien au plancher, rien au volant non plus, exception faite de la commande de clignotant. Finalement, je repère une sorte de curseur à droite des cadrans, que j’avais d’abord pris pour un réglage de ventilation. La position “D” s’engage du bout des doigts. La voiture s’élance et passe immédiatement en seconde… et puis c’est tout ! La boîte automatique ne compte que deux rapports et c’est le couple moteur qui assure les relances, toujours très franches sans être vraiment vigoureuses.

La Corvair atteint rapidement une bonne vitesse de croisière, que l’on soutient d’autant plus facilement que la protection au vent est excellente. On apprécie également le confort des suspensions qui gomment les défauts de la route sans onduler.
Dans mes mains, la jante du volant (tulipé) vraiment très fine, entretient un léger flottement autour du point milieu. Mais la direction se contrôle facilement et fait surtout preuve d’une agréable légèreté, appréciable pour négocier les ronds-points.


En 1966, sa puissance s’échelonne comme suit : 95, 110, 140 ch et 180 ch avec un turbo.
J’amorce mes premiers virages avec précaution, connaissant la réputation de l’auto. Mais ce cabriolet de seconde génération réserve une bonne surprise, il prend peu de roulis et son train arrière ne cherche pas à se dérober sournoisement, du moins dans le cadre d’un usage touristique. Le seul point faible est finalement le freinage : privé d’assistance, il sert surtout de ralentisseur…
Somme toute, la Corvair est une belle machine pour flâner en toute décontraction, surtout dans cette version cabriolet.
Le cauchemar de Chevrolet
Apparue en 1960, la Chevrolet Corvair est d’abord équipée d’un train arrière à arbres oscillants à un seul cardan côté pont, comme la Coccinelle. Avec ce système et les pneus d’époque de piètre qualité, la voiture était dotée d’un comportement survireur qui déroutera la clientèle américaine.
Suite à plusieurs accidents, les procès pleuvent et la Corvair devient le cauchemar du constructeur qui, en 1965, monte une suspension à roues indépendantes, inspirée par celle de la Corvette, et qui corrige totalement le défaut.
Fiche technique
> Moteur : 6-cylindres à plat en alu en porte-à-faux arrière, refroidi par air ; cylindrée : 2 683 cm3 (87 x 74,5 mm) ; soupapes culbutées à poussoirs hydrauliques ; 4 carbus Rochester ; puissance : 142 ch SAE à 5 200 tr/min ; > Vitesse : 160 km/h ; consommation : 12 l/100 km
> Transmission : aux roues arrière ; boîte de vitesses automatique à 2 rapports, levier au tableau de bord
> Trains roulants : roues AV indépendantes, triangles supérieurs, bras transversaux inférieurs, tirant obliques, ressorts hélicoïdaux ; roues AR indépendantes, arbres de roues à double articulation, bras longitudinaux et tirants transversaux, ressorts hélicoïdaux ; 4 amortisseurs télescopiques ; direction à circulation de billes ; freins non assistés à 4 tambours ; roues tôle, pneus en 185/80 x 13
> Structure : coque autoporteuse en acier ; cabriolet 2-portes, 4-places
> Dimensions-poids : L x l x h : 4,65 x 1,31 x 1,77 m ; empattement : 2,74 m ; voies AV/AR : 1,40/1,44 m ; poids : 1 275 kg
> Production : totale : 1 271 099 exemplaires ; cabriolets 1966 : 13 487 exemplaires> Cote en 2022 : 22 000 €
Par Thierry Emptas
Un grand merci à Paul Dupuis-Philiponnet, président du Chevrolet Corvair Club de France pour le prêt de sa voiture et ses nombreux conseils.
Photo en ouverture : la silhouette est particulièrement sobre avec une malle avant et un capot moteur (arrière) quasiment plats. Une légère arête ceinture la caisse. Les doubles optiques sont encadrées par un enjoliveur chromé, et les roues sont habillées d’enjoliveurs à rayons du plus bel effet.
À lire :
Chevrolet, l’esprit américain
