Ralph Alger Bagnold est considéré comme le pionnier de l’exploration du désert en automobile. Ce militaire de carrière, fasciné par l’Égypte, est au Caire en 1925, et va effectuer diverses expéditions à bord de Ford T et A.
Né à Devonport (Angleterre) en 1896, Ralph Alger Bagnold est formé comme officier mécanicien à la Royal Military Academy de Woolwich. Il est affecté en France lors de la Première Guerre mondiale en 1915, au sein du Royal Engineers, avec le grade de lieutenant. Après avoir été démobilisé, il reprend ses études d’ingénieur à l’Université de Cambridge et revient dans les rangs en 1921 pour intégrer le Royal Corps of Signals.

En 1925, il est affecté au Caire en Égypte. Aventurier et avide de connaissances, il décide d’effectuer des expéditions dans le désert à ses temps perdus. À bord d’une Morris, il réalise tout d’abord de courtes expéditions, sans que l’auto lui donne toutes satisfactions. Puis il constitue des équipes, avec notamment le topographe Pat Clayton, pour s’aventurer dans le désert libyque. Les voitures utilisées sont des Ford T modifiées, à l’image des véhicules des Light Car Patrols. Ces unités britanniques entreprirent un raid en 1915 contre les tribus senoussistes et les Turcs dans le Sahara libyen qui détenaient des otages. Elles utilisaient des autos blindées sur châssis Rolls-Royce Silver Ghost armés d’une mitrailleuse Vickers 303.
Dès 1929, Bagnold effectue de nombreuses expéditions avec des Ford T et A en Libye, au Tchad et au Soudan. Il étudie la propagation des sons acoustiques du sable, appelée chant des dunes, et développe un compas solaire qui ne peut être perturbé par les métaux ou le magnétisme. Les Ford sont allégées en ôtant plusieurs panneaux de la carrosserie, notamment le capot, ce qui évite aussi les surchauffes moteur, dotés de vases d’expansion. Lors de passages très sablonneux, les quatre roues du véhicule sont dégonflées ou des échelles de cordes sont positionnées devant l’auto, lui permettant de gravir aisément certaines portions. Bagnold met aussi au point diverses techniques de franchissement des dunes, mais également des techniques de désensablage. Ainsi dans les années 1930, les équipages de Bagnold et leurs Ford vont parcourir en milieu désertique des milliers de kilomètres tout en découvrant et cartographiant des lieux méconnus.
Le Long Range Desert Group
Suite à des problèmes de santé, Bagnold quitte l’armée en 1935 et se retrouve à Londres pour entreprendre une carrière de scientifique à l’Imperial College. À la déclaration de la Seconde Guerre mondiale en septembre 1939, des troupes britanniques stationnées en Égypte et commandées par le général Wavel font face aux nombreuses divisions italiennes du général Graziani. S’étant fait réintégrer et promu major, Bagnold se retrouve au Caire le 18 juin 1940. Ce jour-là, le général Wavel le convoque, intéressé par son projet d’unité spéciale véhiculée en milieu désertique.
Ainsi, Bagnold va créer le Long Range Desert Group (LRDG, dont les commandos sont appelés les Scorpions du désert). Première mission, récolter du renseignement en milieu hostile. Des Chevrolet WB 30 CWT civiles sont réquisitionnées à Alexandrie, modifiées par le service du matériel de l’armée. Ces véhicules à deux roues motrices, plus légers qu’un 4×4, ne dispose plus de portières ni de toit. Le radiateur est modifié pour encaisser les conditions extrêmes de chaleur et de sable. Les suspensions sont également revues. Lourdement armées de mitrailleuses Lewis Mk I, de deux Vickers Mk I 303 jumelées à grande cadence de tir (issues des aéronefs de la RAF de la Première Guerre mondiale) et d’un fusil antichar Boys Mk I de 14 mm ou d’un canon Bofors de 37 mm, ces Chevrolet sont repeintes de couleur spécifique du désert. Elles transportent jusqu’à six hommes, du carburant, de l’eau, des plaques de désensablage et du matériel radio. Les véhicules de commandement sont des Ford F 15.
De nombreuses missions sont attribuées aux LRDG, dont celle du 11 janvier 1941, en binôme avec un détachement de FFL de Leclerc à Mourzouk en Libye. Ce raid engage les Chevrolet pour attaquer un terrain d’aviation italien et détruire de nombreux aéronefs. Cette même année, Bagnold monte en grade et quitte le LRDG. Cependant les missions des Scorpions du désert continuent, et avec l’arrivée de l’Afrikakorps en janvier 1941, l’unité se dote de Ford CMP F 30 à quatre roues motrices, malheureusement plus lourds et plus gourmands en carburant que les Chevrolet WB 30. À partir de mars 1942, le LRDG reçoit 200 Chevrolet WB 30 CWT en version adaptée pour le milieu désertique, produit par la filiale canadienne de Chevrolet.
La Willys du désert
Le Special Air Service (SAS), autre célèbre unité d’élite britannique née sur une idée du lieutenant David Stirling en 1941, a bénéficié du transport du LRDG pour des missions commandos en Afrique du Nord. Et pour être indépendant vis-à-vis des Scorpions du Désert, les SAS se dotent de Jeep Willys qu’ils modifient. Les suspensions sont renforcées et sur les huit barres que comporte la calandre, six sont ôtées pour un meilleur refroidissement moteur. Pour l’armement : deux Vickers Mk I 303 jumelées côté passager, une autre au niveau du conducteur, deux autres Vickers anti-aérienne à l’arrière, également une Vickers Amstrong 303 Mk II ou une Lewis Mk I ! Plusieurs jerricanes de carburant, de l’eau et du matériel radio sont aussi embarqués. Les Willys sont également équipées de plaque de désensablage et de deux roues de secours. Dès 1942, ces Jeep vont effectuer divers raids, notamment sur des aérodromes de la Luftwaffe.
À lire
> La Vie de l’Auto n° 2005